Avoir une salle de classe, avoir un bon emploi du temps, être en mesure de
gérer la logistique familiale tout en étant prof, attendre son affectation,
retrouver ses temps d'intervention en établissement, retrouver les élèves
(notre carburant en fait !).
Chacun aura apprécié les tonitruantes déclarations ministérielles ou
présidentielles de rentrée, et les commentateurs... qui n'étaient que trop
rarement des enseignants. C'est le problème avec l'Ecole ! Tout le monde
l'a fréquentée, donc tout le monde est habilité à en parler !
En vue de cette rentrée, Chantal a lu un petit livre de Philippe Meirieu, *Qui
veut encore des professeurs ? *qui montre que l'on cherche - je cite - "
à faire progressivement glisser l’école d’une logique d’institution, qui
promeut des valeurs, à une logique de service qui doit satisfaire des
clients". Dominique est en train de terminer le livre de "Monsieur le
Prof", William Lafleur, livre qui semble complémentaire du précédent.
Intitulé *L'ex plus beau métier du monde*, il dresse un portrait
également bien pessimiste de notre Ecole.
Comme eux, ce soir, nous faisions, au bout de 15 petits jours, le constat
d'une Ecole qui ne parvient pas à répondre à toutes les souffrances de
nombreux élèves, faute de moyens. Peut-être aussi parce qu'il y a des
personnels à former (sur la question du harcèlement par exemple), mais
avouons que, même formés, nous n'arrivons pas à faire face dans certains
établissements. On peut même se laisser effrayer par des situations
familiales misérables, ne plus savoir comment agir avec certaines familles.
Parmi nous, certaines font l'expérience heureuse depuis quelques mois ou
depuis quelques semaines d'établissements plus calmes où, bien entendu,
aucune difficulté n'est à négliger. Mais où tout semble plus gérable. Et
où, peut-être, la première mission de l'Ecole (former des citoyens libres)
est sur le dessus de la pile des dossiers. Cela nous renvoie finalement à
l'article que nous a adressé récemment Isabelle sur la question cruciale de
la mixité sociale à l'Ecole. L'article est de François Dubet dans la revue
*Etudes* : "Le séparatisme scolaire et la place du privé". Comment les
enfants, qui vivent à chaque bout de l'échiquier social, dans des formes
d'entre-soi voulues ou subies, peuvent-ils se construire puisqu'ils ne
côtoient pas les autres ? Le seul "autre" est le professeur. Et parfois, il
se sent bien seul face à un groupe quasi homogène surtout si celui-ci
semble hostile.
On pourrait ici se mettre à réfléchir à la politique de la ville, aux
formes de la pédagogie, bref, à toutes ces solutions déjà connues pour que
ça fonctionne mieux. Est-ce bien utile ? Alors entre nous, il nous reste
assurément la prière. Demandons au Seigneur de nous donner la force
nécessaire pour agir et changer les choses pour nos élèves, à notre niveau.
Demandons-Lui de les aider, de les guider, de les inspirer, de les conduire
vers ce qui les fera grandir. Et rendons-Lui grâce pour les petites
satisfactions du quotidien, les moments de partage, de complicité. Car ils
existent et ils sont sans doute plus savoureux que l'Ecole est malade.
Marianne (equipe d'Asnieres, Hauts de Seine)
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