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Bernanos

13 février 2015 By

"Celui-là, je n'ai jamais pu l'atteler" (de Gaulle)

Bernanos

bernanod

Le plus mort des morts est l’enfant que je fus, dit Bernanos dans sa préface aux Grands cimetières sous la lune. Et d’imaginer qu’au soir de sa vie, cet enfant va rassembler la petite troupe de ses personnages et entrer à leur tête dans la maison du Père. L’enfance selon Bernanos renvoie à des souvenirs très précis, en particulier à ce jour de sa première communion où le jeune garçon, tellement ému, n’a pu s’avancer jusqu’au banc de communion, quand déjà la figure de la mort l’habitait comme un défi et qu’il se demandait s’il aurait le courage de l’affronter. Chantal de Clergerie, Mouchette, le jeune curé d’Ambricourt, Blanche de la Force naissent des rêves d’enfant de Bernanos. Ils sont cette part de lui-même qui, parcourant les chemins creux de l’Artois, battus par la pluie et le vent, lutte contre l’ennui qui éteint, le mensonge du monde des grands, la peur qui le hante. L’heure de la mort sera leur heure de vérité. Après avoir dit sa dernière parole, inspirée de Thérèse de Lisieux, «Qu’est-ce que ça peut faire ? Tout est grâce », le jeune curé meurt seul dans une petite maison d’Arras ou il s’est réfugié. Il aura ainsi résumé son destin : « Il est plus difficile de s’aimer que de se haïr. La grâce serait de s’oublier. La grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ. » Ricœur citera cette phrase, dans une note, au début de Soi-même comme un autre, comme une reconnaissance de dette.

Albert Béghin, critique littéraire et successeur de Mounier à la direction d’Esprit, expose lumineusement tout cela dans ce précieux petit livre qu’est son Bernanos par lui-même. On y découvre aussi le généreux et facétieux épistolaire, tout vibrant d’amitié, mais agrémentant ses lettres de petits dessins à l’humour potache. Par exemple cette tombe, la sienne, qui est ornée de cette recommandation :bernanod 002    « Prière à l’ange à la trompette de jouer fort, le défunt est dur d’oreille». On y voit aussi cette photo sur laquelle on peut lire : « Hélas ! Je ressemble à Claudel.» bernanod 001

Quoi de plus différents que ces deux chemins ! Claudel saura conjuguer sa vie d’écrivain avec une prestigieuse carrière d’Ambassadeur de France.

Bernanos tirera toute sa vie, si j’ose dire, le diable par la queue. Essayant de vivre de sa plume, payé à la page selon les termes d’un contrat léonin signé chez Plon – ses enfants l’abreuveront de ces rappels à l’ordre : papa, tes pages ! Déménageant sans cesse pour chercher un pays où la vie moins chère lui permettrait de nourrir sa nombreuse famille, vivant à Majorque, achetant en pure perte une ferme au Paraguay puis une autre exploitation au Brésil. Il connaîtra dans les milieux littéraires de ce pays de belles amitiés – qui lui permettront de vivre mieux grâce aux articles qu’ils lui permettront de publier dans la presse. (La part de l’amitié dans la vie de Bernanos : le docteur Bour, que nous avions convié pour une de nos journées des Equipes Enseignantes, était allé voir la veille le Dialogue des Carmélites que la Comédie Française jouait alors à Lille. Comme il l’avait évoquée, je lui parle en privé de sa relation avec Bernanos. « C’était un ami merveilleux », me dit-il, au bord des larmes.)

Il sera aussi à cette époque un héraut de la France Libre. Cet ancien partisan de l’Action française, dont un fils s’était engagé dans les « Phalanges » pro-franquistes, a rompu avec la droite maurassienne au moment de la guerre d’Espagne : témoin à Majorque de la férocité de la répression franquiste, il témoignera de sa révolte dans Les Grands cimetières sous la lune - où il s’efforcera laborieusement de montrer qu’en tant qu’ancien Camelot du Roi il a toujours été de gauche… A cette époque, il recevra une lettre de Simone Weil, qui engagée dans l’autre camp, dans les « Brigades internationales », protestera contre les violences communistes. Ce qui permettra plus tard à Pierre Jouguelet, dans un bel article des Cahiers universitaires catholiques, de reconnaître le prophète à cette qualité : le courage de parler contre son camp.

Dans ma famille catholique et royaliste, témoigne Bernanos, on a toujours parlé librement de la famille royale et de l’Eglise. Sans la liberté, quelle valeur accorder « à ce beau mot de servir ?»

Rentré en France après la Libération, il n’acceptera aucune mission politique, refusant même la Légion d’honneur malgré l’insistance de de Gaulle. Celui-là, je n’ai jamais pu l’atteler, reconnaîtra le Général. L’après-guerre le décevra, il cherchera à réveiller les consciences par ses livres et ses conférences, il passera comme un prophète incompris (mon père m’en parlait comme de « quelqu’un qui a mal au foie », ce qui n’était pas sans clairvoyance). Mais toujours habité par l’espérance.

Au cours de son séjour brésilien, une enfant lui avait tendu son carnet pour y écrire quelques mots. Il remarquera que les poètes y auront été plus généreux que les cardinaux, les hommes d’affaires et les politiques. C’est normal, car les notables n’ont jamais rien compris à l’enfance et à l’Evangile. Jésus leur demande de se faire pareils aux enfants et eux diront aux enfants « Ressemblez-nous ». Souvenez-vous plutôt de ce vieil écrivain qui croit plus que jamais  à la « niaiserie » des savants, « à l’impuissance des puissants, à l’incurable frivolité des gens sérieux ». Le monde ne sera sauvé que par la complicité des enfants et des poètes « avec la douce pitié de Dieu ».

Il commencera une vie de Jésus, dont il n’écrira que quelques pages, consacrées à la pauvreté. Le pauvre, c’est « celui qui vit dans la main de Dieu » et c’est en s’approchant des pauvres que celui qui cherche la Royaume verra se tordre dans ses mains la baguette de coudrier.

La dernière grande œuvre de Bernanos sera le Dialogue des carmélites, initialement un scénario pour le cinéma. Le film qui portera ce titre en sera une bien pâle adaptation, les enfants de l’auteur obtiendront que son nom soit retiré du générique. Bernanos adapte une nouvelle de Gertrude Von Le Fort, inspirée par l’épisode historique de l’exécution des carmélites de Compiègne, sous la Révolution. Par le mystère de la communion des saints, la Mère supérieure, femme forte qui accueille la toute tremblante Blanche de la Force au début de la pièce, meurt dans une angoisse extrême, alors que la jeune novice qui avait fui ses sœurs pour échapper au martyre, les rejoindra à l’heure du supplice, surmontant sa peur pour s’avancer jusqu’à la guillotine. Il y a aussi le personnage de Constance, l’enfance à l’état pur, le seul personnage sans ombre de toute l’œuvre.

L’enfance et l’affrontement de la mort à nouveau. Ce sont pour Bernanos davantage que des temps ou des moments de l’existence, ils sont l’essentiel de l’homme, son vrai nom et son visage d’éternité.

Quelques mois après l’écriture de ce texte, les derniers mots de Bernanos, face à la mort, seront : « à nous deux ! »

« Nous voulons réellement ce qu’il veut… le péché nous fait vivre à la surface de nous-même. Nous ne rentrons en nous que pour mourir. Et c’est là qu’il nous attend. »

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