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Jean Zay, Jésus, Jeanne d'Arc

27 décembre 2014 By

L'association de ces trois figures : un paradoxe qui me plait

Jean Zay

Il va entrer au Panthéon. Jean Zay. « L’oublié de la République ». Et déjà des voix s’élèvent pour entonner la vieille rengaine : comment ? Lui qui a sali le drapeau. Et on ressort un texte de jeunesse, écrit juste après la guerre 14, où il dénonce tous ces sacrifices demandés au nom du drapeau. En oubliant qu’il s’agit d’un texte privé, écrit dans une réunion d’amis, avec le statut de pastiche. N’était l’outrance finale, l’indignation qui inspire ce texte est d’ailleurs bien compréhensible, à l’époque, chez un jeune homme de dix-neuf ans.

En fait, ce qu’on ne lui pardonne pas, c’est de trop bien réussir. Député très jeune, puis ministre du front populaire à 32 ans, il a, comme peu d’hommes, laissé sa trace dans notre histoire nationale : une des rares réforme réussie de l’Ecole, depuis le ministère rebaptisé de l’Education Nationale ; le Cnrs, l’ENA, le festival de Cannes, etc.

jean z

On lui en voudra surtout d’être franc-maçon, d’être juif (qu’il n’était pas vraiment, car on est juif par sa mère, mais il se gardera bien de le préciser). Tout cela à Orléans, la ville de Jeanne !

Ancien ministre de la république, député, il aurait pu rester planqué. Mais non, il demandera à rejoindre les combattants.

Il en sera bien récompensé : condamné pour désertion en présence de l’ennemi, alors qu’il était loin de la ligne de front et se déplaçait comme parlementaire pour une tâche politique, avec l’agrément de son supérieur direct. Condamné, comme tous ceux du Massilia, alors qu’il voulait combattre, précéder le gouvernement en Afrique du Nord et peut-être un peu lui forcer la main.

Un procès truqué, mené par un magistrat aux ordres… Que même des gens de Vichy désapprouvaient et auraient pu arrêter en rétablissant les faits.

On aurait pu l’aider à s’évader, mais il a refusé, craignant de mettre ses proches en danger.

Dans le beau livre de souvenirs écrit en prison, il raconte comment il fait un jardin, dans la petite cour qui jouxte sa cellule : casser la terre trop dure, la travailler pour la rendre cultivable, se procurer des graines… et un jour s’émerveiller de cette jeune vie qui surgit. On y trouve aussi des pages très originales sur la solitude qui se creuse pour ouvrir la vie à une autre dimension, proprement spirituelle. A la même époque, Bonhoeffer, emprisonné par les nazis, écrit sur ses contemporains qui n’ont pas forcément besoin de la religion pour conduire leur vie. Jean Zay écrit de très belles lettres à sa femme, où il parle d’un « après » de renouveau, pour ses proches, et pour sa patrie.

Il ne reverra jamais les siens.

Au lieu de cela, une mort ignominieuse. Sorti de sa prison, par la milice, il sera lâchement assassiné. Son corps jeté dans un ravin, sera retrouvé par hasard.

Il faillit être privé de sépulture, la République sera son Antigone !

 

 

Jésus

ressuscité

« Si l’on te demande ta tunique, donne aussi ton manteau ; si on te réclame pour un mille, fais en deux »

La liberté de Jésus n’est pas de celle que l’on revendique par caprice, ni même par fierté, elle est la marque d’une générosité qui surabonde. Elle prime sur la loi, si celle-ci fait obstacle à la vie : «  le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. Elle dépasse le préjugé, surtout quand il se fait condamnation : « les publicains et les prostituées vous précèderont dans le Royaume » ». Et, d’ailleurs, « ne jugez pas et vous ne serez pas jugés… » 

Il est libre devant les richesses : «  le fils de l’homme n’a pas où reposer la tête », libre face au pouvoir : « allez dire à ce renard, dit-il, parlant d’Hérode »… Il n’a pas besoin de s’appuyer sur l’autorité d’un autre maître, soit-il Moïse : « on vous a dit… moi, je vous dis »… Il est libre devant la vie et la mort : «  ma vie personne ne me la prend, c’est moi qui la donne ».

Le paradoxe de cette liberté souveraine, c’est qu’elle prend sa source dans l’abandon complet entre les mains du Père : « ma nourriture est de faire sa volonté »…et à l’heure suprême : « entre tes mains, je remets ma vie », même si je ne comprends pas « à quoi tu m’as abandonné ».

Il nous aura appris que, dans tous les sens du mot, la liberté est « grâce ».

Jeanne d’Arc

L’autre figure orléanaise : la petite Jeanne.

A Orléans, elle fut grande : ayant prévenu les Anglais qu’ils ont intérêt à lever le siège, elle les chassera.jeanne

Petite bergère, quelle force puisera-t-elle dans ses « voix » au point d’aller trouver le petit roi de Bourges, pour lui demander de lui confier son armée ? Pour bientôt le convaincre de se faire sacrer à Reims ?

Bien sûr, elle est aussi portée par la vénération du peuple. Celle-ci a ses sources dans un fond commun d’attente de personnages sacrés et providentiels qui anime les populations de l’époque. Bien sûr, on devenait vite adulte à cette époque. Mais quand même, elle était bien jeune et inexpérimentée, les connétables devaient parfois sourire, et peut-être l’utiliser. Elle était bien jeune, mais elle y a cru. L’élan décisif, c’est elle qui l’a donné.

Mais c’est l’échec devant Paris, et bientôt l’emprisonnement à Rouen… et le procès. Il faut détruire la légende sacrée, et il n’y a pas plus efficace qu’un procès par l’Eglise.

C’est peut-être là que Jeanne est la plus grande. Comme le montre si bien le grand film méconnu de Bresson (si je me souviens, nous étions deux dans la salle lors de la projection). Comme dans sa simplicité, rien moins que naïve, elle répond à ses juges avec justesse et ironie ! Quand on lui demande si les personnages qui lui apparaissent sont nus, elle répond que Dieu a les moyens de les habiller. Pour elle le Christ et l’Eglise, c’est tout un. Mais il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes : Dieu, premier servi. Dans la déréliction où on l’a plongée, elle aura un moment de faiblesse, mais très vite elle se reprendra. On raconte qu’au pied du bûcher un soldat anglais a dit : nous avons brûlé une sainte.

Mort maudite, comme celle de Jésus. Et même foi de soldat qui voit le vrai visage du condamné.

Ce qui m’émeut dans le destin de Jeanne, c’est que dans le regard social porté sur elle, elle ne sortira jamais de l’ambiguïté. Le procès qui la condamne est d’abord politique, derrière la mascarade religieuse. Son procès en réhabilitation l’est sans doute aussi, au moins dans son inspiration.

Et que dire de sa postérité : il y a la Jeanne de Michelet, les deux Jeanne de Péguy, celle de Régine Pernoud, celle d’Henri Guillemin. Il y la Jeanne de l’Eglise du XIX°, et en même temps de la République. Le moins que l’on puisse dire et que son procès en canonisation n’est pas sans arrière-pensée, lui non plus. Il y a la Jeanne de Vichy et celle des résistants. Il y a la Jeanne du Front national. C’est ici pire qu’un martyre, car elle devient l’étendard d’un combat contre les plus faibles, ceux à qui on refuse une patrie.

Certes la mort de Jeanne n’est pas, à proprement parler du point de vue théologique, un martyre. Encore moins celle de Jean Zay ! Mais au sens étymologique, ces deux personnages que l’on voudrait antinomiques, sont deux « témoins » exemplaires de la liberté.

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