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bouteille à la mer, 6

13 décembre 2014 By

Etre chrétien, est-ce croire en une mythologie? ou : qu'est-ce que croire à la Résurrection?

vezelay Tympan 6Cette question m’est venue en lisant le beau livre d’Emmanuel Carrère : Le Royaume. Avant de mener sa grande enquête sur Luc, Paul et la rédaction des évangiles, il parle des trois ans de sa période « mystique » et se demande comment il a pu croire à cette mythologie, comparable à toutes les histoires antiques qui font se rencontrer, s’aimer et se déchirer dieux, héros et mortelles.

Cette question m’est revenue en cette période de retour de la session de Valloires où nous avons abordé le thème de la Résurrection.

S’est souvent exprimée, dans les groupes, la difficulté d’accorder foi à tous les aspects réalistes de la présentation de la résurrection : ce qui compte, me dit-on, c’est de croire en cet élan, et d’y entrer, le reste n’a guère d’importance.

Il me semble que le principal obstacle à la foi en la résurrection, c’est cet imaginaire fantastico-réaliste auquel les gens pensent qu’on leur propose de croire.

Non qu’il soit dans mes intentions de passer le message au crible de ce qui est croyable aujourd’hui : croire que Christ est vivant suppose d’aller plus loin que ce qui est ordinairement concevable, cela reste un scandale : cette pierre d’achoppement qui peut me faire tomber hors de la communauté chrétienne… ou dans les bras du Père.

Mais justement, l’acte de foi est assez difficile pour ne pas rajouter au vrai scandale de la foi le faux scandale de ce que les croyances non critiques y ont adjoint.

Croire au Christ ressuscité, c’est, bien sûr, croire que cet événement touche l’entièreté de son être, mais cela ne me demande pas de croire en cet ectoplasme que paraît être le ressuscité, si on prend à la lettre les récits d’apparitions comme s’il s’agissait de reportages : cet être étrange qu’on peut prendre pour un fantôme, qu’on peut côtoyer pendant des heures de marche sans le reconnaître, et qui peut disparaître aussitôt reconnu ; qui peut entrer toutes portes fermées et dont on peut toucher les plaies avant d’enfoncer les doigts dans la plaie de son côté.

On a pu dire que les évangiles ne nous racontent pas simplement ce que nous aurions vu, mais ce que nous aurions vu si nous avions compris ce qui se passait. Tous ces récits tentent de rendre compte d’un événement qui a touché les disciples dans leur intériorité, mais qu’ils ne créaient pas : c’était quelque chose qui leur advenait, c’était son initiative à lui de se « donner à voir », de les rejoindre et de les délivrer de leur peur et de leur désarroi. Bien sûr, on peut toujours interpréter cela comme une manœuvre psychologique pour refuser d’admettre qu’ils s’étaient trompés. Mais, je pense personnellement que le supplice de la croix infligé à Jésus était une telle ignominie, une telle malédiction pour un juif, qu’ils n’auraient pu s’en relever s’il ne s’était passé quelque chose de vital. Et surtout, ils n’auraient pas duré. Une illusion n’aurait pu donner tant de fruits.

Bien sûr, c’est un événement qui n’est pas matériellement probant ; ils ont lu des signes qui les ont menés à la foi.

Mais, cet événement, ils le savaient réel, et c’est le sens de tous ces détails corporels qu’ils donnent.

Ils ont surtout expérimenté qu’ils re-surgissaient de leur désespoir et de leur crainte et que l’annonce du Royaume leur était maintenant confiée : le désaveu de la croix n’était pas le dernier mot, ils repartaient pour bien autre chose que la libération politique de leur peuple.

L’évangile de Jean le dit d’une façon beaucoup plus concentrée : au moment de mourir, il est dit que Jésus rendit l’âme, mais cela peut tout aussi bien se traduire : il envoya l’Esprit.

Mais alors, pourquoi parler de résurrection de la chair ?

Eh bien ! Je crois que c’est parce que nous sommes tout autre chose qu’un composé de viande et d’intellectualité. L’anthropologie des philosophes contemporains rejoint la conception biblique de l’homme : nous n’avons pas un corps, nous sommes notre corps, et, comme dit Claudel, nous existons le monde par tous nos sens. Ouvert au monde et à autrui, nous sommes le centre d’un réseau, en même temps que les sujets d’une histoire qui nous constitue. Par comparaison, on peut penser à ce que Michel Serres dit de l’ordinateur : sa faiblesse, c’est qu’il n’a pas de corps, j’entends : qu’il n’a pas la possibilité d’entrer en relation. Et toute sa mémoire ne l’inscrit pas dans une histoire.

Si Jésus, la veille de sa mort peut devenir le pain qu’il donne en nourriture à ses amis, s’il peut dire : ceci est mon corps, donné pour vous, c’est qu’il peut récapituler dans ce geste sa vie toute donnée aux hommes. Et en même temps, cette vie dont il sait bien qu’elle lui sera bientôt ravie, il choisit de la donner, inversant son destin en vocation. Par ce pain qui passe de main en main, cette coupe qui circule, il commence à tisser son nouveau corps où il nous incorpore.

Ce n’est pas étonnant, si j’ose dire, qu’ils l’aient reconnu à la « fraction du pain », après que leur cœur a brûlé en chemin.

Ce langage est bien sûr déconcertant, plus évocateur que démonstratif. Est-il pour autant insensé ?

Attention ! Ceci ne nous autorise pas à nous évader vers un au-delà phantasmé. Nous n’avons pas les moyens d’imaginer ce qu’il y a après, ce que nous serons, ni comment nous serons transformés, si nous le sommes. Pour parler dans un langage mythique, comme dit Ricœur, « Dieu fera de moi ce qu’il voudra » et je n’ai pas à utiliser la parole de révélation pour échapper à ma condition mortelle. Dans sa tentative pour penser un christianisme « areligieux », Bonhoeffer précise que, s’il y a bien une lumière qui nous vient de la Parole de Dieu, elle n’est pas faite pour nous tourner vers un au-delà (« Pourquoi restez-vous à regarder le ciel ? »). Si elle vient effectivement « d’ailleurs », c’est pour nous dire quelque chose de ce que nous vivons ici-bas : « la vie éternelle, c’est de Te connaître, Toi et ton envoyé, Jésus-Christ. » C’est de vivre dans une relation renouvelée avec le Père et entre les hommes, cet Agapè qui change « nos cœurs de pierre en cœurs de chair ». Déjà, « nous sommes passés de la mort à la vie », si « nous aimons nos frères ».

Si cela ne nous dit rien d’un arrière-monde que nous n’avons pas les moyens de connaître et qu’il n’est pas très digne d’imaginer, cela nous dit beaucoup de notre condition corporelle que nous sommes appelés sans cesse à spiritualiser : quand nous échangeons un regard, quand nous nous embrassons, et dans toutes les dimensions de notre vie conjugale, ou amicale, par exemple, quand nous partageons un repas, quand nous lisons ou créons un poème, quand nous admirons un paysage ou créons une œuvre d’art, quand nous savons voir un homme dans l’être matraqué au bord de la route (Simone Weil dit qu’alors, nous le créons), quand nous savons entendre le cri des affamés, alors « aujourd’hui » même, nous sommes « avec » Lui, dans la vie en plénitude.

Si je crois aussi que cela est d’une consistance telle que ça ne peut pas s’éteindre, je ne puis que confier cette espérance entre les mains d’un Père dont je sais qu’il m’attend.

 

                  Emmaüs

 

 

La rencontre du Ressuscité

ne nous est donnée

que dans le clair obscur                                                                               

de notre foi,

à cette heure entre chiens et loups

où la lumière s’apaise

en nuit.

Alors, l’absence est

pour nous

la politesse d’une présence

qui s’efface

pour livrer passage.

Quand le pain se brise

et passe

de main en main,

un Autre Corps se tisse

à la croisée des mémoires

et des yeux.

La vie donnée se change

                           En Source

  

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