CDEP asso

Joseph Dérousseaux

En fin du séminaire, il fait un stage à l’aumônerie de la Prison de Loos. Il lui arrive de défendre certains droits des prisonniers face au directeur de la prison. Un jour que Joseph plaidait devant lui en faveur d’un pensionnaire du mitard, nul doute que le directeur croyait ne faire qu’une bouchée de ce jeune lévite.

Désolé, monsieur l’abbé, ce cas est prévu par le règlement, lisez vous-même le texte…

-      Si vous permettez, Monsieur le directeur, à cet endroit-là, il y a une virgule.

Ce qui, évidemment, allait dans son sens.

J’ai connu Joseph alors qu’il était aumônier de la Paroisse Universitaire, à Lille. C’était peu après mai 68 et je faisais mes premières armes dans l’accompagnement des équipes. C’était même ma première expérience : une session avec quelques jeunes enseignants, des jeunes « loulous », comme il dit, à côté d’autres plus sages, dans mon genre. Il n’était plus question de plan préétabli pour cette petite semaine d’échanges. J’ai admiré comment Joseph avait laissé advenir la parole de chacun, du plus sage au plus contestataire, et comment de ce rassemblement hétéroclite, il avait fait une communauté provisoire, autour de l’eucharistie. Je vais le voir récemment chez lui, après un séjour à l’hôpital. On lui a délivré un nouveau, « permis de séjour », comme dirait Claude Roy. Nous évoquions cette session, il me reparle de Sabine.

-      Tu te souviens de son nom !

-      Comment l’oublier ?

Il y dix ans, lors de ses quatre-vingts ans, nous étions plus d’une centaine à le fêter, et d’autres ont regretté de ne pas avoir été avertis de l’événement. Pour chacun, la rencontre de Joseph avait un jour compté : préparation de mariage, de baptême, accompagnement personnel, vie d’équipe à la PU. Une bienveillance foncière, me rappelle Thérèse, une étonnante capacité d’écoute qui parfois débouchait sur LA phrase qu’il fallait dire.

Deux témoignages dans ce sens : Trop attachée à sa mère, M.A. ne voulait pas se marier, jusqu’au jour où Joseph lui dit : Toi qui admires tant ta mère, pourquoi ne pas chercher à suivre sa voie ?

A un jeune-homme qui hésitait un peu à répondre affirmativement à la proposition d’une amie, qu’il ne « voyait » pas véritablement : Moi, je la trouve belle !

Quand on a connu une vie d’équipe avec Joseph, on a du mal à s’habituer à quelqu’un d’autre, m’a dit un jour Michel.

Comme il ne parle pas forcément religion, certains croyaient qu’il annonçait un vague humanisme. C’est tout le contraire : il veut que l’évangile soit vraiment annoncé dans l’élucidation de l’existence réelle de chacun. « Ceux qui font la vérité vont vers la lumière » dit l’évangéliste Jean. Ce n’est plus tout à fait à la mode en ces époques « identitaires », mais comment annoncer à chacun, dans sa langue, la Parole de Vie ?

A la fin de la réunion des 80 ans, la parole est donnée à Joseph : je vous remercie à mon tour pour tout ce que vous m’avez apporté, c’est sans doute à vous que je dois d’avoir été … pas trop malfaisant.