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lundi, 05 octobre 2015 06:50

Les théologiens contribuent au Synode

Écrit par

Une contribution des théologiens français au synode 2015 sur la famille.

 

À l’invitation du Conseil Famille et Société de la Conférence des évêques de France, en conformité avec le désir du pape François, plusieurs théologiens francophones ont été sollicités pour apporter leur contribution à des questions soulevées à la fin de la première réunion du Synode sur la famille. Leurs textes ont été récemment publiés[1]. L’ouvrage se présente sous la forme de seize questions auxquelles ils ont apporté leurs réponses, en nombre inégal selon les interrogations. Il ne convient donc pas de chercher dans ce livre un discours coordonné, ayant une unité, mais plutôt une somme de réflexions, émanant de points de vue différents, ce qui tient autant aux disciplines enseignées par les contributeurs qu’à leurs positions personnelles.

Les premières questions concernent l’enseignement général de l’Église sur le mariage : celui-ci est-il l’horizon indépassable de la réflexion sur la famille ? Comment le discours ecclésial est-il fondé sur la Parole de Dieu ? Comment peut fonctionner l’analogie entre l’union conjugale et celle existant entre le Christ et l’Église ? Peut-on parler de la même façon du rapport à l’Alliance quand on traite de l’eucharistie et du mariage ?

Plusieurs états de vie sont abordés ensuite : les personnes célibataires, puis les homosexuels.

Puis on en vient aux questions touchant à la fécondité du couple, ainsi qu’au discernement face aux méthodes de régulation des naissances et à la question de l’avortement.

Les dernières questions portent sur la discipline concernant les personnes divorcées remariées : l’accès aux sacrements, la proposition de la “communion spirituelle”. Comme on le constate, les principaux points “sensibles” ne sont pas évacués.

Les réflexions qui suivent ne pourront rendre justice à la grande richesse de l’ouvrage. Elles garderont leur caractère subjectif, ayant la forme d’un relevé des apports qui nous sont apparus comme permettant une meilleure compréhension des problèmes. Il est clair que le travail des théologiens ne cherche pas à se substituer à celui des Pères du synode à qui il reviendra de formuler des propositions, laissant au pape l’initiative des décisions.

 

L’enseignement de l’Église sur le mariage

 On ne peut ignorer les remises en cause contemporaines de l’institution matrimoniale : 57% des naissances hors mariage, 46 divorces pour 100 mariages dans notre pays, légalisation du mariage entre personnes de même sexe. Cependant l’Église considère que le mariage est une norme issue de la loi naturelle, donc accessible à tous les hommes. Elle ne peut que chercher à montrer que le mariage sacramentel, fondé sur l’Évangile du Christ, est aussi “bonne nouvelle”.

Cependant, dans la présentation qu’elle en fait, elle ne doit pas recourir aux textes bibliques en les présentant comme une norme légitimée “d’en haut” mais plutôt en prenant en considération les histoires de famille que présente la Bible et en montrant comment Dieu aide à faire face de façon généreuse à des situations désordonnées. Il est conseillé aussi de mettre en lumière la pédagogie de Jésus. Ainsi, on ne trouvera pas dans l’Écriture un mode d’emploi ni des jugements définitifs, mais une invitation à l’approfondissement. On sera prudent dans l’évocation d’une situation “originelle”. Le livre de la Genèse n’est pas un texte énonçant une vérité intemporelle qu’il conviendrait d’appliquer aujourd’hui. Le lire ainsi conduirait à se décourager devant l’impossibilité d’atteindre ce paradis perdu et à cultiver un sentiment d’échec durable. Quand Jésus renvoie à ce que fit le Créateur dès le commencement, il ne fait pas référence à un acte passé, mais à des réalités qui réapparaissent au long de l’histoire.

Il arrive souvent qu’on se réfère sans précaution à l’union Christ-Église comme à un modèle pour l’union conjugale, un archétype dont il faudrait reproduire les caractéristiques. Les auteurs invitent à la prudence. Il convient de ne pas associer les acteurs terme à terme (le Christ à l’homme et l’Église à l’épouse), mais il faut se rappeler de la visée de l’auteur de la lettre aux Éphésiens qui rappelle l’irrévocabilité de la promesse divine, mais aussi la différence de nature entre ces deux unions. L’alliance humaine repose sur une symétrie, marquée par la finitude ; l’alliance mystique s’appuie sur une radicale dissymétrie, mais elle est irrévocable et indestructible.

Plusieurs contributions soulignent, pour leur part, l’enracinement historique des modèles du mariage et de la famille que l’Église a proposés et invitent à relire attentivement le rituel de la célébration pour en dégager les éléments.

Le problème de la foi des fiancés, qui avait été très prégnant dans les premières décennies suivant le concile Vatican II, refait surface ici. Sans que puisse être tranchée cette question complexe, on encourage une attitude pastorale qui mette en place une catéchèse des fiancés baptisés mais non pratiquants.

 

Des états de vie marginalisés

 Il convient de réagir contre la dévaluation du célibat non consacré, alors qu’il peut être présenté comme une façon de mener une vie chrétienne épanouie, tandis que, souvent, c’est la vie amoureuse qui est citée comme plénitude de la relation. On peut rappeler la valeur de l’amitié et la fécondité par la pratique de la charité. Le principe de l’universalité de l’appel à la sainteté est à redire à la fois pour les célibataires et pour les homosexuels. Pour ceux-ci, on doit formuler l’invitation à une réflexion qui prenne en compte l’existence d’expériences chrétiennes réelles.

On rappelle que, pour saint Thomas, il n’y a pas bipolarisation entre actes bons et mauvais, mais une progression entre des actes plus ou moins chargés de bien. Cela ne rend pas bonne n’importe quelle relation, mais on peut souvent y trouver des éléments bons. Des conséquences pastorales sont proposées : maintenir une différence claire avec les couples mariés, reconnaître ce qui est bon là où l’on désigne ce qui manque (l’altérité et la fécondité), encourager les consciences dans leur chemin vers le meilleur.

 

L’ouverture à la vie

 On fait d’abord le constat que l’enseignement de l’encyclique Humanae vitae (1968) n’est généralement pas reçu. Mais, parmi les richesses méconnues du texte, il y a la mention de l’importance de la qualité relationnelle du couple.

Pourtant, les théologiens opèrent ici une remise en question importante. Peut-on considérer le cycle hormonal comme exprimant la volonté du Créateur, sans autre considération, alors que certaines personnes sont définitivement stériles ? On met en relief l’absence, dans l’encyclique, des critères personnalistes présents dans la constitution Gaudium et spes de Vatican II. Ne peut-on expliciter davantage la catégorie de “paternité responsable” présente dans les deux textes ? Les contributeurs disent leur scepticisme devant un jugement portant sur les actes (“actes intrinsèquement déshonnêtes”) et non sur les personnes. Ils demandent si le rôle de la conscience peut être ici réduit à une simple obéissance à la loi. Par ailleurs, il convient de distinguer entre la régulation des naissances et une “mentalité contraceptive” liée à une perception de la sexualité uniquement en termes de jouissance et de sentiments. Celle-ci tendrait à méconnaître l’injonction éthique première de laisser voir l’action créatrice de Dieu dans la sphère de la sexualité. L’usage de la contraception peut relever de motivations très différentes : absence d’ouverture réelle à l’autre, recherche de fausse sécurité ou préparation d’un meilleur accueil de l’enfant. Un discernement est à opérer.

L’enseignement de l’Église sur l’avortement est formel et constant, alors que celui sur la contraception n’est ni ancien ni infaillible et ne porte que sur la plénitude de l’acte conjugal et non pas sur un être humain à venir. Il convient quand même d’être vigilant face à certains procédés contraceptifs qui présentent un caractère abortif. Mais, là encore, la complexité de la situation n’est pas prise en compte dans un jugement moral qui ne s’arrêterait qu’à l’objet de l’acte (mettre fin à une vie innocente) : le cas de la jeune Brésilienne de neuf ans violée par l’amant de sa mère a été rappelé.

Par ailleurs, on souligne l’intérêt d’encourager la vocation sociale de la famille, qui va au-delà de sa mission éducative.

 

L’accès des divorcés remariés aux sacrements

On rappelle que les divorcés-remariés ne sont pas les seuls fidèles à vivre dans des situations objectivement irrégulières en regard du droit matrimonial de l’Église. La discipline actuelle les exclut de l’eucharistie, mais aussi de la pénitence et de l’onction des malades, non pas au nom du second mariage, mais à cause de la sexualité présumée au sein de celui-ci (un état de continence serait alors conseillé).

Les auteurs proposent de réfléchir à des conditions d’accès aux sacrements – qui, rappelons-le, sont les canaux de la grâce – sans déroger à la règle de l’indissolubilité du mariage ni aux principes de morale fondamentale. En effet, une seconde union peut constituer une “réalité éthique” qui n’efface pas les erreurs et péchés précédents mais exige d’être prise en compte.

Plusieurs pistes sont esquissées. On rappelle que le concile de Trente s’est refusé à condamner la pratique de l’Église orthodoxe qui accepte un second mariage non sacramentel, en n’y voyant pas une atteinte au principe de l’indissolubilité. Deux solutions souvent évoquées montrent leur insuffisance : le recours aux procès en nullité et l’usage de la “communion spirituelle”, qui est ici sortie du contexte qui l’a vu naître.

On évoque l’éventualité d’un temps de pénitence, au terme duquel interviendrait la réintégration par l’évêque. Là encore, on invite à considérer les circonstances, et notamment le cas d’un premier mariage détruit depuis longtemps et d’une seconde union stable et vécue dans un esprit de foi.

Il est également rappelé que le sacrement de l’eucharistie lui-même est un sacrement de guérison, ce qui invite à modérer les exigences à l’égard de ceux qui y ont accès.

Au terme de la lecture, on ne peut que formuler le souhait que cet ouvrage aide les Pères du synode dans leurs réflexions, pour qu’ils saisissent la complexité des questions soulevées et les portent sous la lumière de l’Esprit Saint.

Daniel Moulinet


[1] « La vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain ». Vingt-six théologiens répondent, Montrouge, Bayard, 2015, 324p.

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