Alalaaa ... Mes heures en 1ère technologique ressemblent à une marée : un coup ça remonte (leur implication, l'attention en cours, la qualité du travail que nous effectuons ensemble... et mon moral), et un coup ça redescend. Jeudi et vendredi c'est descendu assez bas : coefficient de "grande marée" ! (mais pas de crustacés à ramasser sur l'estran... C'était plutôt le désert). Deux élèves en particulier sont déstabilisants et "pénibles" (du point de vue du prof, et de certains élèves timides, faibles et de bonne volonté) ; sont distrayants et font bien rire (du point de vue de "leur public"). Brice a une bonne bouille, joviale, souvent hilare, s'agite et gesticule beaucoup, tel un sémaphore, et doit se croire animateur dans une émission de TV, car il commente tout (ce que dit le prof, ce que disent les camarades, ce qui se passe dehors, ce que lui inspire le texte, ses états d'âme...). Il pousse la complaisance jusqu'à se faire l'écho ou le répétiteur zélé des remarques du prof à ses camarades :
« Machin, vous bavardez trop... dis-je à un autre
– Ouais, c'est vrai, tu bavardes trop, là, zyva... » enchaîne aussitôt Brice.
Mais la Sidonie, peu reconnaissante et soupçonneuse, a tendance à y voir raillerie et sarcasme, et rouspète au lieu de remercier son adjuvant ; on n'est pas aidé, j'vous jure, on veut rendre service à la prof et elle râle, c'est pas juste ! Quoi, elle va me punir pour ça :
« Mâdame, mais j' dis comme vous, là, j' dis comme vous... Sérieux, c'est abuser ! »
Bref, vous voyez le genre de zigoto : pas bien méchant, mais usant ! Au bout de 30-40 minutes, s'il est en forme, nous allons direct à l'affrontement (mot sur le carnet malgré des avertissement réitérés ; exclusion du cours...). Parfois un début de cours agréable, voire même, lundi dernier, toute une heure où Brice a eu un comportement convenable (je l'en ai félicité à la fin, me suis dit « ça y est, il a compris, on tient le bon bout ») font espérer que l'embellie sera durable ! Las ! Une bonne douche froide dans la seconde partie de l'heure ou au cours suivant me ramène à la réalité : ce n'est pas encore pour cette fois-ci, il va encore falloir avertir x fois, puis "râler"', puis sévir ; j'en ai assez, zut ! Ils ont minimum 16 ans (voire plus) ; on est en 1ère, il y a l'écrit et l'oral du Bac en français en juin : c'est l'année où jamais où ils devraient être intéressés (à tous les sens du terme), et je fais tout pour, comme je peux, avec mes petites recettes...
Alors quand j'entends « Si vous aviez la foi (ou la fibre pédagogique ?) gros comme une graine de moutarde, vous déplaceriez les montagnes » ;
ou « je suis un simple serviteur inutile », ce sont tout de suite mes pitoyables tentatives (patience, souris, à toi de les accrocher, de les "séduire"...) ou mes coups de gueule ("flûte, là y'en a marre, çui-là y va voir") en 1ère Techno qui me sont remontés comme une grosse vague, me laissant trempée et coite sur la jetée... alors que je pensais plus du tout à cette classe aujourd'hui.
Quoique ... quoique ... (ça me rappelle le regretté Raymond Devos, qui avait une façon inimitable de dire cela !). Heureusement pour moi, après la claque de l'Évangile, il y a eu le baume (ou : la serviette éponge et le verre de vin chaud... pour filer la métaphore de la vague) du prêtre pendant l'homélie :
« Que veut donc nous faire comprendre Jésus, et qui nous réconforte ? commence-t-il benoîtement ?
- Bin moi, là j' me sens pas du tout réconfortée... pensai-je in petto.
- Jésus s'adresse à ses Apôtres, à des gens qu'il envoie en mission, l'avez-vous remarqué ? Il ne veut pas qu'ils ne comptent que sur eux-mêmes : ils doivent compter sur Lui. Avoir confiance en Lui. [ je vous résume son sermon à gros traits ] Ce sur quoi Il insiste c'est la confiance : capables ou pas capables, qu'on ait le sentiment de réussite ou d'échec, il nous envoie, il faut nous lancer. Semer, travailler, servir. C'est Lui qui s'occupera de la suite. Il est derrière moi ; je peux m'engager à fond, car Il travaille avec moi. C'est une perspective libératrice et réconfortante, non ?
- Mmmm... Vu comme ça... ».
Et c'est avec un sourire et le moral en hausse que je me suis remise cet après-midi à "leur" paquet de copies (aux 1ère Techno) d'un contrôle de rattrapage que j'ai accepté de faire en heure supp', pour "faire remonter les notes" (du 1er contrôle, pas bonnes), et où 15 élèves sont venus (tout de même !) dont l'autre zouave dont je ne vous ai pas parlé, Romain, qui lui aussi a déjà écopé d'une exclusion de cours et d'un rapport, mais que j'ai vu travailler et "suer à grosses gouttes" (si l'on peut dire) sur ce fichu contrôle de rattrapage. Si la note est bonne, je vais me fendre sur sa copie d'un « Bravo ! Super. Quel progrès : continue ! » et autre formule équivalente d'une chaleureuse claque dans le dos pour lui exprimer ma satisfaction et ma confiance. Ça donne quoi, comme arbre, déjà une graine de moutarde ?