Dans notre équipe CdEP interdépartementale (Bouches du Rhône, Vaucluse, Hautes-Alpes) une part significative de nos rencontres consiste à nous dire ce qui fait concrètement nos vies et à approfondir l'une des situations évoquées en fonction de l'importance, de l'urgence ou de l'intérêt. Il nous a fallu bien du temps pour parler directement d'une situation que nous sommes trois à partager, l'homosexualité de l'un - ou l'une - de nos enfants. Ces situations ne datent pas d'hier, puisque le couple le plus ancien remonte aux années 1990 ! Nous avons eu quelques difficultés à parler sereinement de l'homosexualité de nos enfants
La 31e proposition du candidat Hollande "J'ouvrirai le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels" a provoqué pas mal de discussions dans notre équipe, tournant autour des deux points centraux :
• mariage ou PACS amélioré (union civile) ?
• quelles réponses au désir d'enfant?
Il faut dire que nous n'étions pas fanatisés pour une cause (pro ou anti mariage pour tous), mais très hostiles à toute forme d'homophobie, toujours trop banalisée dans certains milieux, et de façon sournoise dans les milieux catholiques. La polarisation des positions des forces politiques entre la droite et la gauche ne nous a pas surpris ni émus : il en est si souvent ainsi ! Mais ce sont des pratiques qui ne facilitent pas l'examen approfondi et dénué (ou plutôt dénoué...) d'a priori politiciens de l'ensemble des dimensions prises en compte et régies par le texte législatif proposé. Le travail parlementaire n'a pas été exemplaire, mais il a permis, au delà des bruyantes manifestations de clivages, que s'expriment les nuances des positions à contre-emploi et que s'amende le texte. Amendements portant non sur le principe central du mariage pour les personnes de même sexe, mais sur l'étendue des droits connexes.
Nous avons en tous cas ressenti que chacun de nous, dans notre équipe, n'était pas dénué d'a priori, de représentations, de convictions ou d'éprouvantes complexités face à cette question. Mais catholiques, nous avons surtout mal vécu la mobilisation de la rue catholique pendant toute cette période et jusqu'à maintenant. Une rue catholique identitaire, fière de ses convictions et de sa visibilité bruyamment exposées, excitée à l'idée de faire trembler le pouvoir républicain, sûre de sa mission salvatrice d'un monde égaré, et de fait en connivence avec les droites extrêmes. Nous avons vite vu que nous n'en voulions pas, que nous ne pouvions à aucun prix être de ce bord ni être suspectés de la cautionner.
Nous vivons concrètement et douloureusement, dans l'un de nos diocèses, cette forme de religiosité prosélyte, activiste même, qui cherche à mettre l'Église au centre de la société afin de guider ses choix. Les appels à manifester contre "le mariage pour tous" étaient diffusés depuis l'archevêché dans les paroisses. Les participations de l'archevêque étaient soulignées et inscrites à son agenda.
Concernant directement l'école, l'hystérie contre les ABCD de l'égalité et la supposée théorie du genre ont complété le tableau de ce que peuvent provoquer, aujourd'hui, ces forces coalisées qui mêlent conservatisme social, réaction politique et fondamentalisme religieux. Des peurs irrationnelles ont été manipulées par ces groupes en associant égalité et indifférenciation sexuelle. Impossible, avec ça, de faire dans la nuance ; nous reviendrons plus tard sur les questions que nous pose l'homosexualité de nos enfants. Nous avons une année pour cela, entre les deux temps du synode sur la famille, quelques mois voulus par notre pape François pour permettre aux évêques d'ouvrir leurs yeux et leur cœur aux réalités de notre temps. Il y aura de la résistance !
Maïté et Antoine Martin (Vaucluse)