Violence de l'institution, richesse de l'aventure humaine...
Rentrée douce-amère
Une rentrée de plus… Avec, cette année, un goût terriblement amer au souvenir des tensions et des luttes qui ont marqué les derniers mois. Déclarations largement médiatisées du ministre sur les moyens exceptionnels accordés aux zones d’éducation prioritaire (ZEP) au moment même où la dotation horaire globale (DHG) de notre établissement se trouve cruellement amputée d’une centaine d’heures. On déshabille Youcef pour habiller Yacine, tandis que Pierre et Paul tout proches se voient généreusement vêtus. Stupeur, incompréhension, colère. Lettres, pétition, demandes d’audience, grèves, manifestations… Rien ! On envisage sans sourciller des classes de Seconde à 36 élèves dans un établissement de ZEP classé Prévention violence. On ? L’inspecteur d’académie, le recteur, le ministre ? D’où vient la décision ? Qui est prêt à l’expliquer, l’argumenter, l’assumer ? Nous ne le saurons peut-être jamais : aucune réponse sérieuse, aucune considération pour notre mobilisation (parents et enseignants), ni pour celle des collèges voisins touchés eux aussi par des économies de moyens aussi brutales qu’imprévues. Sensation cuisante d’un profond mépris, d’un désintérêt total pour notre engagement et notre travail. Il a donc fallu, avec les moyens du bord, retailler, amputer, sacrifier, et finalement menacer de ne pas assurer la rentrée, pour limiter les dégâts. Sans qu’aucun maillon de la hiérarchie ne daigne engager le dialogue… Et l’on s’étonne ensuite que certains électeurs boudent les urnes ou offrent leurs suffrages à des formations extrémistes ! Pitoyable aveuglement de certains irresponsables politiques, qui cultivent un mépris du peuple digne de l’Ancien Régime tout en se proclamant garants et défenseurs de la démocratie.
Heureusement, il y a aussi l’indicible douceur des recommencements. La joie vibrante des débuts d’aventures humaines dont l’expérience nous murmure qu’elles seront riches et belles. Non seulement aucune routine ne s’est installée, mais la responsabilité échue impressionne de plus en plus, au fil des ans. Jusqu’à redouter de prendre le chemin, tout en attendant avec impatience d’avoir fait le premier pas. Car malgré tout ce qu’un jour de prérentrée peut avoir de long et fastidieux, la fébrilité de l’embarquement, l’incertitude du voyage, la confiance partagée procurent un sentiment fort et incomparable, propre à stimuler une ardeur au long cours. Oui, tout homme – chaque élève, chaque collègue, chaque parent – est une histoire sacrée. Et le croisement de ces destins uniques le temps d’une année scolaire peut faire grandir en humanité. Alors oui, sans doute, la douceur l’emportera sur l’amertume. En s’efforçant de couler le regard dans celui du Christ, en se laissant bousculer par les bourrasques de l’Esprit, en portant la croix des combats quotidiens pour la justice et la fraternité, en évitant de laisser des pensées trop humaines dénaturer ou étouffer celles de Dieu (évangile de dimanche dernier), les dix mois qui viendront auront un goût d’éternité.
1er septembre 2014