Ce sont des soirées qui font du bien ! Les soirées CDEP.
Le 12 décembre 2022Que retenir de notre soirée mensuelle ?
Sommes-nous comme Jésus au milieu des enfants ? Parvenons-nous à être de bons pédagogues pour que tous nos élèves nous comprennent ? Avons-nous un geste pour chacun des enfants qui nous fait face, pour le ramener à nous, pour le faire grandir, pour lui donner la place qui lui convient le mieux dans notre société ?
Assurément, nous ne sommes pas Jésus. Nous avons nos faiblesses, nous nous mettons même parfois en insécurité avec nos élèves, parce que nous sommes des hommes. Imparfaits. Mais Jésus est un modèle, il nous guide, il nous rend capable d'humilité. L'une de nous a dit ce soir qu'elle n'aurait pas choisi ce métier si elle n'avait pas été chrétienne. Sans doute. Heureusement, nous avons tout de même des collègues qui ne sont pas chrétiens mais qui aiment aussi les élèves et sont mus par des objectifs proches des nôtres. Pourquoi ont-ils choisi ce métier ? Peut-être que ces collègues, bien que profs dans le public, rencontreront Jésus un jour : à travers nous, ou à travers les élèves.
Enfin, à la question "Etes-vous heureux ?" (en référence aux dernières lignes du chapitre 8 du livre de Xavier Dufour) ? Oui, nous le sommes au milieu de ces enfants, nous le sommes parce que nous sommes chrétiens et parce que l'espérance nous porte au quotidien, parce que les élèves sont la vie. Mais nous sommes inquiets pour eux : leur permettre de trouver une place qui leur conviendra dans notre société va leur demander de grandir sensiblement, de devenir responsables, de savoir se défendre intellectuellement, de s'impliquer, de s'engager pour eux-mêmes et pour les autres. Pour certains d'entre eux, il y a encore un long chemin à parcourir vers l'honnêteté, l'esprit critique, et l'engagement. Faisons pour eux tout ce que nous pouvons, donnons. Mais acceptons de ne pouvoir tout faire, de ne pas réussir parfois. Confions-les au Seigneur.
Marianne
Les soirées CdEP...
Non seulement elles nous permettent de « vider nos sacs » mais elles nous permettent aussi de nous poser, de réfléchir, de prendre du recul sur ce que nous vivons au quotidien : la déception liée aux petites cachotteries de la salle des profs, transposition de la cour de récréation version adultes, l’impression qu’on n’arrivera pas à hisser nos élèves au niveau attendu tant les attentes sont élevées et les contenus d’enseignements éloignés de leurs réalités et de leurs capacités.
A l’autre bout de la table, c’est la fatigue de l’un qui s’exprime, fatigue de subir les pressions de sa direction (et par là des parents d’élèves) alors qu’il est dans une parfaite maîtrise de ce qu’il fait mais que la peur et les logiques comptables remettent ses pratiques en cause. Chez d’autres, ce sont les collègues qui se permettent la remise en cause de leurs pratiques mais la direction leur fait confiance au point d’oublier que les journées ne durent que 24 heures, même chez celles et ceux qui sont partants pour tout. Et il y a aussi la difficulté de débuter dans le métier, de tout comprendre et de tout inventer, quand on a encore en tête de gros projets universitaires : rédiger une thèse.
Nous décrivions tous ce soir notre envie de bien faire, sans doute de trop bien faire, de trop en faire, de nous mettre au service des élèves et d’une institution qui est si contradictoire. Il nous faut par exemple accueillir tous les élèves et les accompagner TOUS vers la réussite mais exiger d’eux ce que nous-mêmes n’aurions pas été capables de faire à leur âge : commenter un texte de littérature au regard d’autres textes, évoquer les usages sociaux et politiques du château de Versailles de l’Empire à nos jours, composer/tenir quatre heures sur un sujet qui peut en fait être réalisé en deux heures (vingt minutes en réalité pour nos élèves). Autre contradiction : être dans une Ecole de la confiance où les établissements sont obligés à la plus grande transparence et doivent répondre des exigences de certains parents qui ne nous font pas confiance du tout et qui exigent de nous que nous fassions comme le professeur du petit voisin.
Mais au fond, que voulons-nous pour nos enfants ? Pour nos élèves ? Les formater, faire d’eux des perroquets, être des petits étudiants de sciences po ou simplement être dans le plaisir d’apprendre, de découvrir et prendre le temps d’apprendre à apprendre, à être attentif, à faire, à rédiger, à composer, à commenter sans utiliser des recettes prêtes à l’emploi qui sclérosent la pensée. Apprendre à être attentif (c’était le thème de notre lecture de ce soir – chapitre 6 du livre de Xavier Dufour), à faire silence, à se poser, à réfléchir pour accéder au sens et peut-être à la vérité.
Nous nous questionnions lors de notre dernière rencontre sur la mission à donner à l’école : être un lieu « à côté » de notre société qui offre d’autres repères, ou bien un lieu qui cherche à capter un public en lui proposant quelque chose qui ressemble à notre société. Nous étions finalement encore dans ce même questionnement ce soir : faire de l’école le lieu d’apprentissage de la réflexion longue qui exige la patience et non la satisfaction immédiate d’un désir soudain, ou bien répondre aux exigences comptables d’une société où tout se résume à l’utile. « A quoi sert de lire La Princesse de Clèves quand on est guichetière ? » disait-on.
M.