Dans ce petit ouvrage, Étienne Fouilloux remet en lumière les cinquante premières années de ce mouvement réunissant les catholiques de l’École publique dont l’influence a largement dépassé la proportion que représentaient ses effectifs par rapport à ceux des enseignants français. Cette histoire se structure en plusieurs temps que la succession des chapitres fait nettement apparaître.
Le fondateur de la Paroisse Universitaire, Joseph Lotte, modeste professeur de lettres au lycée de Coutances, qui a fait retour au catholicisme de son enfance, commence par lancer un bulletin, d’aspect avant tout littéraire, dont le premier souci est la formation spirituelle et qui se ressent de l’influence de Péguy. Naturellement, en ces années d’affirmation d’une laïcité conquérante, qui abandonne la morale spiritualiste des décennies précédentes au profit d’une morale scientiste, cette initiative provoque moqueries et brimades.
Après la guerre, dans laquelle Lotte a succombé, le flambeau est repris par Pierre Heinrich, professeur de khâgne au lycée du Parc à Lyon, qui recentre le bulletin sur l’aspect corporatif et qui, surtout, donne vie au mouvement constitué par les abonnés. Avec l’aide du philosophe catholique Jacques Chevalier, professeur à l’université de Grenoble, il organise des Journées universitaires annuelles. Les deux hommes unissent foi catholique et patriotisme et n’hésitent pas à s’opposer à la laïcité militante. L’appartenance de P. Heinrich à la mouvance de l’Action française conduit à son retrait, en 1929, à la suite de la condamnation romaine tout autant que des divisions à l’intérieur du mouvement. Du coup, c’est autour de l’aumônier, le sulpicien Pierre Paris, que se refait l’unité, ce qui donne à celui-ci une place prépondérante dans un mouvement théoriquement mené par des laïcs.
La revue, qui prend le nom de Bulletin Joseph-Lotte, adopte une orientation à la fois pédagogique et spirituelle, l’aumônier faisant partager son ouverture à l’évolution de la liturgie au mouvement qui prend alors le nom par lequel il le désignait lui-même : la Paroisse universitaire. Après la Seconde Guerre mondiale, le relais de l’accompagnement spirituel est pris par le P. Pierre Dabosville, oratorien, dont les positions sur la question scolaire provoqueront la démission forcée en 1963. Ce sont pourtant les années les plus fastes pour le mouvement, dont les rassemblements annuels réunissent plus de 2000 personnes et dont la revue, les Cahiers universitaires catholiques, a un large rayonnement, au-delà des limites de la PU.
Au long de l’ouvrage, nous suivons également le développement de créations à destination des instituteurs et institutrices, avec les initiatives de Marie Silve et Marie-Adrienne Charpentier, au début du siècle, puis avec la fondation des Équipes enseignantes, par l’abbé Michel Duclercq, après 1945, Équipes qui s’émanciperont de la Paroisse et prendront dans la suite une dimension internationale. La suite de l’histoire reste à écrire, comme le dit lui-même l’A., avec, notamment, la crise provoquée par la politisation du mouvement, puis la récession des effectifs, conduisant à la réunion, au sein du mouvement Chrétiens dans l’Enseignement Public (CdEP) de la PU et des Équipes enseignantes, en 2008.
Comme l’indique bien l’A., les deux groupes avaient un esprit différent, les Équipes étant plus proches de la méthode de l’Action catholique (« voir, juger, agir ») et la Paroisse ayant une structure plus lâche, davantage centrée sur la revue, même si ses membres se retrouvaient régulièrement, et particulièrement pour les journées nationales. Dans aucun autre mouvement catholique ne s’est retrouvée cette tension – aujourd’hui quelque peu retombée – entre l’appartenance à l’Église et le service de l’État laïc.
Daniel Moulinet
Etienne Fouilloux Brève histoire de la Paroisse Universitaire (1910-1963) Lahra, coll Chrétiens et société, 101 pages
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