Nous avons laissé de côté notre livre pour un court temps d’échanges, en tout petit comité et en visio : entre le Covid et l’épuisement des uns et des autres, il était difficile de nous rencontrer. Mais il nous fallait tout de même un temps de retrouvailles, comme une petite bouffée d’oxygène dans cette période asphyxiante.
Il a beaucoup été question de l’évaluation : le contrôle continu au lycée, le protocole d’évaluation pour le bac, le guide de l’évaluation, nos façons respectives d’évaluer, et celle des autres bien entendu. Nous avons parlé de notre liberté pédagogique, de celle des autres encore une fois, de l’égalité demandée par les élèves, de notre volonté de les faire progresser, en les accueillant là où ils sont pour les hisser le plus haut possible, à la mesure de ce qui leur est possible mais en ayant toujours en nous l’intime conviction qu’ils pourront mieux faire.
A travers notre évaluation, nous disons beaucoup du regard que nous posons sur l’élève, de notre vision de l’enseignement : en ayant « la modestie de l’artisan » (a dit l’un de nous), en étant des « accompagnateurs » (a dit une autre), en aimant jouer et rire (a dit une autre encore). Voyons-les comme des enfants, des adultes en devenir, et pas uniquement comme des cerveaux à remplir. Expliquons, explicitons, donnons-leur notre confiance, espérons avoir la leur. Tissons le lien : encore un beau geste d’artisan !
Nous avons terminé par cette prière :
Ils vont leur chemin, Seigneur, ces garçons et filles, comme tes disciples vers Emmaüs. Tu m’as mis sur leur route. Donne-moi de les rejoindre comme tu m’as rejoint dans mon histoire, respectant les méandres, les déviances de ma vie.
Apprends-moi non seulement à les voir, mais à les regarder. Ces visages chiffonnés, lisses, ou ceux dont le sourire dit le cœur. Ces yeux vides, fuyants, ou ce regard pétillant d’étoiles. Que le soir, je rentre à la maison, lourd d’emporter avec moi tous ces visages, tous ces regards.
Apprends-moi, Seigneur, à rejoindre ton désir sur eux en embrassant toute l’étendue de leurs propres désirs. À ne pas me figer sur ce qu’ils sont, mais à me fixer sur ce qu’ils ne sont pas encore. Comme toi avec tes deux disciples, donne-moi de les aider à apprendre que l’essentiel est de goûter les choses intérieurement.
Apprends-moi envers eux, Seigneur, l’infinie patience que tu nous portes. À être l’agriculteur qui respecte leur terreau et les délais de leurs moissons.
Quand il m’arrive de les voir comme des puits comblés et desséchés, aide-moi alors, Seigneur, à soulever pierre à pierre pour dévoiler ce qui était caché à leurs propres yeux. À être le sourcier de l’eau vive qui dort en eux. Que je puisse leur dire, comme toi si souvent : « Lève-toi et marche ». Que je puisse les inviter à incliner leur cœur vers cet Autre qui les habite déjà. Jacques Maréchal (Extrait de la revue Prier n° 244 - Sept. 2002) |
M.C.